vie tranchée
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textes : René Cruse
images  montage : Luca Lennartz
© 2011 Cruse Lennartz
Toulon
...Le débarquement avait à peine commencé que déjà la  police militaire chargée du service d'ordre était en place sur les  principales artères...
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Première journée sur le sol  de France. 15 août 1944.  Tandis que les troupes  descendaient à terre, le matériel lourd était débarqué à l'aide de grues  spéciales. L’organisation et la méthode américaines étaient  remarquables à cet égard. Le débarquement avait à peine commencé que  déjà la police militaire chargée du service d'ordre était en place sur  les principales artères. La police était à l’œuvre aussi bien sur terre  que dans les airs et en mer. L'orage grondait fort, ce qui compliquait  un peu les opérations. Chaque embarcation – j'ai dit plus haut qu'elles  étaient des milliers – avait sa saucisse anti-aérienne, qui explosait  quand elle était touchée par un éclair, elle tombait alors dans une  grande torche de flammes. Comme il faisait nuit, c'était très joli, cela  faisait une sorte de feu d'artifice perpétuel. Brusquement, on nous  donna l'ordre de nous diriger sur Grimaud, où nous étions censés  retrouver notre matériel débarqué un peu plus loin. Nous étions à pied,  sac au dos et, la colonne s'étant trompée d'itinéraire, il nous fallut  faire six kilomètres en supplément. La fatigue commençait à se faire  sentir. Nous avons fait ainsi plus de dix-huit kilomètres dans la nuit,  sous une pluie battante. Vers quatre heures du matin, trempés, ayant  fait un peu de stop, nous avons fini par retrouver le lieu de  cantonnement de notre escadron. Nous étions morts de fatigue et peu  disposés pour commencer la guerre. Tout, jusqu'au fond de notre  paquetage, était trempé. Il n'y avait pas encore de front proprement  dit, les Allemands avaient été surpris de toutes parts. C'était la  pagaille dans les rangs adverses. Pour la première fois, je vis des  camions de prisonniers suivis d'une jeep avec quatre hommes mitraillette  au poing. Je n'avais jamais vu cela ! 16-19 août 1944.    Le lendemain, au réveil, nous étions encore trempés et transis de  froid, mais heureusement le soleil était magnifique comme après un  orage. C'est alors que le capitaine nous réunit pour faire le point de  la situation. Nous devions rester là trois jours. Et le 19 août, à dix  heures, nous recevions l'ordre de nous tenir prêts à partir pour  quatorze heures en direction de Pierrefeu en vue de soutenir, de nos  armes blindées, la 9e Division d’Infanterie Coloniale. Mon maréchal des  logis, toujours un peu dans la lune et jamais pressé, était en train  d’arranger un poste de radio sur un char. L'adjudant, plus gradé que  lui, s'improvisa alors chef de voiture du half-track et notre départ se  fit en l'absence de notre maréchal des logis. Aventure assez comique en  vérité que d'abandonner un de nos chefs en train de faire un dépannage :  on part pour la guerre mais on laisse son sous-off ! Les routes de  cette région du midi de la France étaient déjà tenues par les Américains  depuis trois jours. Mais l'adjudant-chef, qui était un peureux fini, ne  se sentait pas du tout à son aise, d'autant plus que nous étions en  tête de colonne et que l'on disait que, devant nous, il n'y avait rien  sinon des Allemands. Il ne pensait qu'à sauver sa peau et il ne  connaissait rien à l'art de la guerre. Il trouvait cette disposition de  marche hasardeuse et souhaitait vraiment que le capitaine fasse passer  les chars en avant. Alors que le danger était encore inexistant,  l'adjudant-chef nous ordonna d'armer nos mitraillettes, nos  mitrailleuses, nos armes individuelles pour être prêts à faire feu. Tout  ceci nous paraissait assez dangereux, surtout pour la jeep qui nous  précédait, car il aurait suffi d'une fausse manÅ“uvre pour faire partir  les coups sur nos propres camarades.   À sept heures, nous  arrivions à Pierrefeu. Notre adjudant fut alors rassuré de voir tout au  long de la route des fils téléphoniques posés par le Génie américain.  C'était de bon augure. Tout était beau : les lieux, la nuit et la  tranquillité. On me mit de garde à la radio toute la nuit pour capter  des ordres venant du G.Q.G. (Grand Quartier Général). Il nous fut  prescrit d'appuyer le lendemain l'attaque du bataillon d'infanterie  commandé par le Commandant Chauvin, afin de nous emparer de la ville  Solliès-Pont. Notre direction était donc plein ouest, vers Toulon. Notre  adjudant-chef cuisinier, qu’on appelait aussi « chef major », ne  goûtant pas du tout la plaisanterie ronchonna, disant que la guerre ne  l'intéressait pas et que sa place – ce qui d'ailleurs était vrai –  n'était pas là , mais à l'arrière avec notre cuisine et notre camion de  paquetage. A ce propos, les boîtes de haricots seraient notre unique  nourriture pendant plusieurs semaines : trois boîtes par jour, c’était  un peu fade et lassant.Vendredi 20 août 1944.    Le 20 août, nous avons commencé à entrer en ligne à quatre heures du  matin. C'était la première fois pour la plupart d'entre nous. La région  était plantée de vignobles. Nous passions en tout terrain à travers les  vignes pour arriver à la hauteur de l'infanterie de la 9e D.I.C. qui se  camouflait, tandis que déjà notre artillerie pilonnait par derrière le  village suivant. Nos chars d'assaut et mon half-track avançaient  prudemment. Dans quelques instants, nous allions être au contact avec  l'adversaire. Chemin faisant, nous avons rencontré deux jeunes marins de  Toulon qui prétendaient connaître parfaitement la région. Le capitaine  leur ordonna de monter sur le half-track pour nous guider. C'étaient de  braves types qui commencèrent à manger avec nous. Nos esprits étaient  tendus à l'extrême et nos doigts ne quittèrent pas les gâchettes des  armes automatiques. Pour l'instant, toujours rien. Le terrain était  montagneux. Il devint presque impossible pour des chars de passer à   travers tant d'obstacles. Naturellement, les chars déchenillaient. Il y  avait des pannes. Quant à mon half-track, il tomba en carafe dans un  fossé. Ce n'est qu'au bout de dix heures de travail que nous avons pu  nous en sortir. Celui qui était chargé de l'échelon de dépannage était  colérique. Son nom était Gazel. C'était lui le chef du matériel. Les  chars étaient à cent mètres environ devant nous, sur une hauteur en  position d'artillerie. En attendant d'être dépannés, que faire sinon  casser la croûte dans l'ignorance où nous étions de la place exacte de  l'ennemi ? Mais on était nerveux.   Tout à coup, une très forte  salve d'artillerie plut brusquement autour de nous, comme pour nous  remettre en mémoire la présence toute proche des Allemands. Ils nous  avaient repérés. Cette fois-ci, nous avons reçu là le véritable baptême  du feu, qui nous fit rapidement perdre la notion du temps. Les obus  tombaient à vingt mètres et nous nous faisions tout petits en dessous de  nos véhicules blindés. Nous étions absolument assourdis, abasourdis,  écrasés. Vers quatre heures, nous arrivâmes à avancer de cinquante  mètres pour nous camoufler un peu, mais nous étions quand même fort  exposés. Nous subissions un formidable bombardement de l'artillerie  ennemie. Sur les hauteurs qui dominaient Soliès-Pont notre infanterie  progressait cependant, appuyée de nos chars et de la puissante  artillerie française qui suivait. Petit à petit la ville était occupée.     J'ai évoqué plus haut le célèbre chanteur qui nous avait appris l'Ave  Maria de Gounod. Il fut frappé d'un éclat d'obus en pleine poitrine et  tomba à nos côtés, baigné dans son sang. C'était notre premier mort.  Nous étions consternés et nos oreilles retentissaient encore de son Ave  Maria, qu'il avait si souvent chanté d'une voix si convaincue. C'était  un chic type ! Il venait de se marier en Afrique du Nord. Je me souviens  de sa conversation de la veille : il se réjouissait à l'idée qu'il  pourrait bientôt écrire sa première lettre… Il s'est effondré du haut de  sa tourelle, d'où il était sorti un instant pour contempler le paysage.  On l'enterra sur place un quart d'heure après sa mort.   Je  reçus l'ordre de prendre le poste de radio 510 et de me rendre à pied  avec l'appareil à la hauteur du premier char pour faire une liaison. À  ce moment-là , je vis arriver des prisonniers. Le combat était sérieux.  L'artillerie nous pilonnait toujours. Des obus tombaient à trois mètres.  C'était un enfer. Un de nos Arabes, pris de folie, paniqué absolument,  allait se jeter dans un puits. Je n'eus que le temps de le rattraper par  un pied. Les projectiles tombaient avec toujours plus de violence.  L'ordre nous fut donné de nous replier un instant, mais, à la suite  d'une fausse manÅ“uvre, nos chars se firent repérer par l'adversaire, ce  qui nous valut un tir fort ajusté. Enfin, mon half-track libéré de son  trou put à son tour redescendre la colline du côté opposé aux Allemands.  Afin de ne pas perdre la position, d'autres chars nous remplacèrent.  Après nous être repliés dans la région de Cuers, près de la voie ferrée  de Toulon, nous prîmes nos dispositions pour la nuit. Un signal rouge  sur la ligne de chemin de fer risquait de révéler notre présence : il  fut aussitôt démoli à coups de revolver par le lieutenant Jean-Claude  Schreiber. Comme la nuit précédente, on me mit de garde à la radio.  C'était un peu ma spécialité. Installés en cercle en disposition de  halte gardée, tous les véhicules étaient prêts à déjouer toute surprise.Samedi  21 août 1944.  Le 21 août, vers cinq heures du matin, nous  recevions l'ordre de participer le jour même à la prise de Toulon.  Notre groupement, commandé par le chef d'escadron de Beaufort, eut pour  mission de progresser avec le 9e Régiment d'Infanterie. Il fallait aller  de Soliès-Pont à Toulon via La Farlède et La Valette. Nous sommes  partis vers neuf heures trente. Nous nous sommes mis en réserve derrière  le 5e Escadron, à huit cents mètres de Soliès-Pont, où des patrouilles  faisaient le nettoyage. La petite ville de Soliès-Pont était encore très  incertaine, lorsque le capitaine donna l'ordre à mon half-track de  pousser une reconnaissance à l'intérieur même de la ville avec la  mission suivante : reconnaître un passage pour nos chars lourds, car le  pont venait de sauter. Nous étions censés retrouver le commandant  quelque part dans la ville, mais le lieu était imprécis. Nous devions  transmettre tous les renseignements par radio à notre capitaine, le plus  vite possible, afin qu'il puisse donner l'ordre aux chars d'avancer  pour occuper toutes les positions. Nous nous dirigions à l'aide de la  carte d'état-major, les armes prêtes à toute éventualité. Nous n’en  menions pas large.  Nous avons pénétré dans la ville de  Soliès-Pont sous un sérieux bombardement. Au carrefour d'une route, à   moins de cent mètres, des Allemands étaient là qui pouvaient nous voir.  Nous avons accéléré l'allure, après avoir fermé les volets de blindage.  Puis, nous nous sommes arrêtés pour faire le point et reconnaître les  lieux. Quelques fantassins patrouillaient, l'arme au poing. La jeep du  capitaine nous suivait, mais sans le capitaine. Le temps s'écoulait sans  que nous fussions encore en mesure de fournir les renseignements. Mon  maréchal des logis me déconcerta par son manque d'initiative. Il fallait  faire vite, très vite et il hésitait. Si moi je tremblais de tous mes  membres, lui, il avait tous ses moyens coupés : il était devenu muet,  incapable de prononcer un mot. Je résolus alors de laisser le half-track  à l'un de mes camarades, un Corse, qui resterait en contact radio avec  le capitaine, pour partir faire notre reconnaissance en jeep avec des  mitraillettes, ce qui était beaucoup plus maniable pour ce genre de  sport. À fond sur l'accélérateur, nous traversâmes d'un bout à l'autre  Soliès-Pont, afin d'arriver au seul passage que la carte nous indiquait  comme praticable. Le cimetière de Soliès-Pont était jonché de cadavres  sénégalais. Horrible ! Des fenêtres de la ville partaient des coups de  feu. Au moment où nous retrouvions le commandant, un bombing formidable  éclata. Tous couchés à terre, on put parler avec l'officier supérieur,  dans une singulière position. Puis, nous fûmes dirigés sur un passage à   flanc de coteau où le Génie travaillait déjà . C'est à pied que nous  avons poussé nos reconnaissances et force nous fut de constater que  jamais nos chars ne pourraient passer par cet endroit. Il aurait fallu  attendre trop longtemps pour que le travail du Génie soit efficace.  Pendant ce temps, le capitaine s'impatientait à la radio et mon camarade  Corse, resté sur le half-track, nous croyait morts tant les quarts  d'heure lui semblaient longs. Le maréchal des logis auquel les premiers  bombings ne réussissaient décidément pas, était de plus en plus  incapable de prendre une décision. On put enfin rendre compte de notre  mission par radio et recevoir en échange une attrapade singulière du  capitaine qui nous avait trouvés beaucoup trop longs. Ce n'est qu'à   trois heures trente que nos chars arrivèrent enfin et le reste de la  journée devait être plutôt tragique.   Le village suivant, à   deux kilomètres de là , ne se rendant pas, nos forces légères  accrochaient très dur. Au carrefour déjà cité, passait la ligne du train  de Toulon. Désormais, le commandement était installé dans mon  half-track. L'artillerie ennemie nous pilonnait sans discontinuité. Sur  un ordre reçu, le capitaine s'engagea avec tous les chars à la fois sur  la voie ferrée, seul passage possible afin de déborder Soliès-Pont et la  Farlède par un mouvement tournant et de neutraliser les Allemands  situés dans les cimetières avoisinants. La progression pouvait ensuite  continuer vers le Sud, si tout allait bien, s'il n'y avait pas  d'obstacles. Mais la résistance allemande était opiniâtre. Des coups de  feu partaient des maisons voisines et l'on organisait entre nous tous,  tant bien que mal, des patrouilles ici et là .   Un ordre  stupide fut brusquement lancé : les trains de l'escadron nous  rejoindraient plus tard pour ravitailler les hommes. Il n'était pas  question de faire autre chose. D'ailleurs, nos coffres avaient du  ravitaillement pour cinq jours. Le peloton du lieutenant Sauvegrain  s'est engagé le premier sur la voie ferrée et le char du capitaine de  Seguins-Pazzis suivit immédiatement. Le lieutenant Sauvegrain était en  avant de son peloton. À la hauteur de La Farlède, il était en train de  démolir plusieurs armes ennemies lorsque, brusquement, son char,  lui-même transpercé par un obus de 88, prit feu instantanément. Un canon  allemand était bien camouflé derrière la gare, le char ne l'avait pas  repéré à temps. Je ne quittais plus la radio. Le lieutenant et son  tireur furent brûlés grièvement et les trois autres membres de  l'équipage carbonisés. Malgré ses atroces blessures, le lieutenant  dégagea l'un de ses camarades et le sauva de la mort. Mais les obus du  bord qui brûlaient l’atteignirent très profondément. Aussitôt, une jeep  sanitaire battant pavillon Croix Rouge monta jusqu'à la hauteur des  Allemands et ramassa les deux survivants. Je vis alors un spectacle  abominable. Le lieutenant était noir comme du charbon et nu comme un  ver. Tous ses cheveux et tous ses vêtements étaient grillés, sa main  pendait lamentablement, ses chairs n'étaient que lambeaux de vingt  centimètres. Avant de perdre connaissance, il trouva la force de donner  l'ordre d'aller chercher les autres. Malheureusement, ils étaient morts.    Les heures étaient interminables et exténuantes. Les événements  allaient cependant se précipiter. Le commandant nous fit remarquer qu'il  n'était pas aussi facile d'arriver à Toulon qu'on voulait bien le  croire. Au moment le plus critique de la bataille, le capitaine nous  ordonna par radio de foncer en avant et de détruire tout ce qu'on  pouvait rencontrer sur notre passage. Jugeant que la partie était  sérieuse, il nous recommanda de ne pas gaspiller nos munitions, de  garder nos casques et d'être bien disciplinés. En effet, pendant trois  jours et trois nuits, il faudra tenir coûte que coûte nos positions et  essayer de poursuivre l'avance. La tension nerveuse était extrême. Le  char nommé Paris sauta sur une mine en plein milieu de la voie ferrée et  en vue de l'ennemi. L'adjudant-chef chargé du matériel, toujours plein  de zèle, demanda des volontaires pour aller réparer le char. C'était  ridicule, il était fichu. Pendant ce temps, le cimetière de La  Farlède résistait solidement. On donna un tir d'artillerie à tout casser  sur le cimetière, tandis que le capitaine, monté sur un autre char,  bombardait à bout portant tout ce qu'il voyait. En vérité, le terrain  n'était pas favorable. Des haies cachaient les canons ennemis. Le char  Saint-Cyr, le Poitiers, le Rocroi se trouvaient en difficulté. Le  Poitiers, second char du commandement se renversa complètement dans un  fossé et le lieutenant se cassa plusieurs côtes. Le Rocroi se fit  remorquer par le Versailles, le char de mon ami Raoul Duval, et cela  sous un feu incessant de l'ennemi. La situation d'attente, légèrement en  arrière et à portée d'artillerie, était très éprouvante. On ne pouvait  rien faire contre l'ennemi et on devait se contenter de le subir. Des  éclats sifflaient, les postes de radio, qui ne cessaient pas d'émettre,  chauffaient anormalement. Pourvu qu’ils ne tombent pas en panne ! Voilà   quarante-huit heures qu'on n’avait pas coupé le courant des postes. Ce  n'était pas bon pour eux.  À la tombée de la nuit, la situation  était toujours très angoissante. Un officier d'infanterie s'avança vers  nous avec une compagnie toute fraîche de Sénégalais. Cela tombait bien,  car le capitaine des chars réclamait avec insistance l'aide de  l'infanterie. Le terrain ne se prêtait pas à des manÅ“uvres de chars :  c’était l'infanterie qu'il fallait. Et le commandant, à qui je transmis  le message de ce capitaine d'Infanterie, donna l'ordre immédiatement à   la compagnie de monter à la hauteur des chars, car la nuit approchait et  il était indispensable de tenir le front solidement pendant toute la  nuit. Mais par un mystère incompréhensible, personne ne sut jamais d'où  venait cette compagnie d'infanterie ni où elle allait, elle semblait  relever d'un autre commandant et l'ordre ne fut jamais exécuté.
  Le peloton Schreiber reprit donc  la tête et les opérations continuèrent. L'extrémité de la chaîne des  Maures n'était pas là pour faciliter notre tâche. Le canon de 88 qui  avait détruit le lieutenant Sauvegrain fut aperçu par Jean-Claude  Schreiber qui ne trouva qu'un seul moyen pour le détruire : foncer  carrément dessus à revers et l'écraser avec ses trente-trois tonnes.  Malheureusement, les servants allemands de la pièce eurent le temps de  transpercer un autre char, le Rennes qui arrivait par la gauche dans la  même intention. Le lieutenant mitrailla tant qu'il put les Allemands,  tout en recevant une grenade antichar dans ses moteurs qui se  bloquèrent. Ainsi, deux chars de plus étaient hors d'usage. L'équipage  et le lieutenant, fort heureusement, étaient sains et saufs et  continuèrent la lutte à pied. Schreiber fit lui-même un prisonnier et le  tint en respect avec son revolver, en le faisant marcher devant lui les  bras levés. Un autre char voyant la scène n'hésita pas à abattre  l'Allemand. Le lieutenant Schreiber se trouva alors débarrassé de son  prisonnier.   Par ailleurs, le char Rennes a brusquement et  complètement explosé. La vision en était terrible. Il y avait des  morceaux de ferraille à dix mètres à la ronde. Les corps de nos  camarades étaient méconnaissables. Dubois fut grièvement blessé et  évacué vers un hôpital. Berton, le chef de char, succomba à ses  blessures le lendemain. Du pauvre Gillot, tué sur le coup, il ne restait  plus que dix centimètres d'os et un morceau de chair grillée qui  tombait en poussière lorsqu'on y touchait. Il n'avait pas dû souffrir,  c'était notre seule consolation. Seul Cambon s'en sortit indemne. On  nous annonça alors que la gare, qui était à deux cents mètres de moi,  risquait d'exploser d'une minute à l'autre. Le colonel, bien décidé,  donna l'ordre de poursuivre les opérations sans arrêt jusqu'à Toulon  d'une seule traite. C'était à la fois une question de tactique et de  prestige. J'appris que l'adjudant Florent prenait la tête de l'escadron.  Il sera terrible ! Des centaines de fantassins ennemis se présentaient à   lui : il les fauchait impitoyablement avec ses mitrailleuses. Il était  maître de lui et par conséquent de la situation qu'il dominait. À la  suite de plusieurs manœuvres habiles, il rassembla tous les éléments et,  avec le capitaine, il rejoignit les chars légers du lieutenant  Destremau, le fameux champion de tennis.   Le commandant  ordonna une reconnaissance sur le village de La Valette, quatre  kilomètres plus loin, la liaison radio devenait mauvaise à la suite de  l'éloignement et le contact s'avérait très dur. Le reste des chars,  neuf sur dix-sept, se porta en renfort avec l'infanterie disponible. Les  éléments légers qui avaient pu au cours de leur reconnaissance repérer  quelques armes adverses, partirent en tête, mais très vite il apparut  qu'il n'était pas possible de leur demander des renseignements  exploitables par nos chars moyens. La route était dominée à droite et à   gauche par des batteries allemandes qui crachaient sans arrêt. Aucun  camouflage n'était possible, seule la vitesse était une protection. Les  chars défilèrent alors en colonne, en marquant des arrêts aussi brefs  que possible. On marchait au canon et à la mitrailleuse, on tirait un  peu à l'aveuglette sur tout ce qui se présentait. Au fur et à mesure de  l'avance, il ne faisait aucun doute que les Allemands étaient surpris  par la puissance de notre attaque. Ils n'avaient plus le temps de se  cacher. Nos chars détruisirent plusieurs canons dont un de 155 derrière  remorque, ainsi qu'un gros convoi de ravitaillement qui ne se doutait de  rien. À l'entrée du village, nous renversâmes une barricade qui  n'arrêta pas notre marche.   Nos chars traversèrent La Valette  sous un feu d'armes automatiques placées dans les maisons. Grisé par le  succès, voyant le front adverse rompu, le capitaine ordonna l'avance  jusqu'à Toulon qui était l'objectif final de cette mission. Sur la  grande route de la Corniche du Faron, huit cents mètres au nord de  Toulon, un violent duel d'artillerie s’engagea. L'adjudant-chef Florent  aperçut devant lui la grande cité, il y pénétra prudemment en fauchant  tous les Allemands qu'il rencontrait sur son passage.  C'est  ici que se situe un exploit qui mérite d'être mentionné. Je veux parler  de Mademoiselle de P***, assistante sociale à Toulon. Elle avait une  vieille Simca, flanquée d'une croix rouge, et possédait un  laissez-passer allemand. Voyant la proximité du combat, elle résolut de  traverser les lignes allemandes grâce à son laissez-passer et de se  mettre à la disposition du premier officier français qu'elle  rencontrerait. Ce fut notre capitaine. Son entreprise était une pure  folie. Cependant, le capitaine l'envoya de nouveau sur sa demande à   Toulon, encore tenu par les Allemands, afin qu'elle se renseignât  exactement sur l'emplacement des forts et des batteries qui ne cessaient  de nous arroser. Elle y alla courageusement et remplit parfaitement sa  mission. Par la suite, naturellement, elle fut décorée.  Comme  il se faisait tard et que la position était dangereuse pour la nuit, le  capitaine donna l'ordre de se replier en forme de cercle dans le village  de La Valette. Toutes les rues étaient gardées par un char. Malgré la  fatigue extrême, tout le monde veilla encore cette nuit. Jusqu'au  lendemain matin, la fusillade ne cessa pas. La nuit fut odieuse,  insupportable : rafales de mitraillettes, canons, mines qui explosaient,  tout se succédait dans un bombing infernal. Entre La Valette et La  Farlède, le char Soissons avait reçu un coup de 88. Il était perdu, et  deux autres chars étaient restés en panne. Heureusement, tout le monde  était sain et sauf, et au cours de la nuit les équipages ont pu  rejoindre à pied La Valette en abattant ici et là quelques Allemands  éparpillés. Le Versailles se réparait sous un feu soutenu et put  rejoindre l'escadron en traversant les lignes ennemies. Malheureusement,  un recul du canon a tué un de nos amis, Solas, qui avait mis sa tête  imprudemment près de la culasse. C'était un accident, mais un accident  mortel. Par la suite, il y en eut d'autres. Bouvier eut plusieurs côtes  cassées dans un choc et les autres blessés furent tous évacués vers  l'arrière au cours de cette interminable nuit.
  À minuit, je reçus l'ordre de me  replier avec mon half-track sur Cuers. Je n'ai jamais compris pourquoi.  Avant de partir, j'arrêtai une bande de civils qui me paraissait  suspecte.   Notre train formait un petit convoi, le démarrage  était long, car il fallait se dégager d'un embouteillage terrible dans  une obscurité totale, naturellement. Un pâté de maisons devant lequel  nous étions arrêtés s'écroula mystérieusement et des briques et des  poutres tombèrent sur nos engins. Personne n'a été blessé heureusement.  En cours de route, mon half-track perdit ses chenilles. Il fallut les  réparer. Le maréchal des logis me fit essayer une liaison radio, sans  succès. Pendant plus de trois heures, je lançai en vain des appels au  micro : « Allo... Raoul II, répondez ! Allo... Raoul II, répondez ! »Â  C'était notre indicatif. Que tout cela était sinistre dans cette nuit  immense ! Derrière nous, il y avait des incendies et des explosions  formidables. Tout à coup, une grenade explosa à deux mètres de nous,  sans que nous sachions comment elle était arrivée là . Plus tard, une  jeep isolée nous apprit que nous étions sur la bonne route, mais que  c’était un de nos amis qui avait induit en erreur le reste du convoi.  L'un de nos camarades, saisi de peur, fit partir sa mitraillette par  mégarde. Heureusement, il n'a pas tué le sous-officier qui était à côté  de lui.   Dimanche 22 août 1944.  À l'aube du 22 août,  nous sommes revenus sur Soliès-Pont pour essayer de prendre les ordres.  Nous avons retrouvé le Commandant et le reste de la journée se déroula  sans incident particulier. À La Valette, des camarades patrouillaient et  firent un coup de main tendant à réduire les batteries qui nous  gênaient. Tous les Allemands qui se présentaient étaient  systématiquement abattus, à l'exception de deux officiers et vingt-six  hommes qui furent faits prisonniers. La population civile ne fournissait  pas toujours une aide très efficace, elle avait peur. On le comprenait,  d'ailleurs. À la tombée de la nuit du 22 août, le commandant monta sur  un char pour rejoindre l'escadron et examina la situation par lui-même.  Les fantassins étaient fatigués et refusèrent d'attaquer le soir même.  Par la suite l'expérience montrerait que c’était toujours une erreur  d'attaquer trop tard dans la journée. On attendrait le lendemain matin.  Le Paris, le Versailles furent à nouveau disponibles. Je passais mon  temps à la radio pour transmettre les nouvelles. Vers six heures du  soir, nous sommes parvenus à passer le pont de Soliès et nous nous  sommes rendus en half-track blindé au cÅ“ur même de Soliès-ville.    Lundi 23 août 1944.  Le 23 août, les trains nous quittèrent.  L'attaque des hauteurs environnantes était pour le jour même. Florent  avec des chars en panne resta dans la vallée et réussit à démolir la  batterie de Toucas. Les quelques centaines de prisonniers qui affluaient  commencèrent à être maltraités. Il faut dire que nos pertes avaient été  sévères et cela pouvait expliquer nos réactions. Les Allemands  survivants furent reçus à grands coups de pied dans le derrière. La  population les lapida. Dans La Valette, l'ennemi réagissait encore. Le  Verdun attaqué par bazooka était en flammes. Quatre camarades moururent  carbonisés. Les tirailleurs sénégalais arrivèrent enfin. Il était  impossible de mener une bataille de chars sans infanterie, dans ces  régions-là en tous cas, car d'une part un char seul était toujours  susceptible de se faire bazooker s'il n'y avait pas d'infanterie pour le  protéger, et, d'autre part, l'infanterie était indispensable pour le  nettoyage des villages. Si nous avions manqué d'infanterie, il est  probable que nos pertes eussent été beaucoup plus importantes.  L'infanterie était protégée elle-même par nos propres chars. Il fallait  donc une entente parfaite entre les blindés et l'infanterie.     Le temps était resté insensible à la misère humaine. Il faisait un  soleil radieux depuis le commencement de la bataille. Vers le soir, nous  avons reçu l'ordre de nous porter de nouveau en avant pour prendre  contact avec le lieutenant Jean-Claude Schreiber et passer la nuit avec  lui à La Farlède. L'école du village était devenue un vaste hôpital. J'y  dormis un peu. Le docteur de la localité se mit à opérer toute la nuit,  tandis qu’un tout jeune homme, se proclamant maire de Soliès-Pont,  prenait des initiatives heureuses pour les civils.Mardi 24  août 1944.  Le 24 août, grande journée ! En effet, le  général commandant en chef fit une tournée d'inspection sur le front,  tandis qu'on remettait en état le matériel qui avait été durement  éprouvé et que l'on approvisionnait en munitions, en carburant et en  vivres tout notre escadron. Notre groupement fut mis en alerte pour se  porter éventuellement à la disposition d'un autre régiment qui avait  pour tâche de nettoyer un quartier de Toulon, car on se battait toujours  dans cette ville. Les Allemands tenaient encore l'Amirauté et certains  forts très importants. Depuis la mer, des unités françaises bombardaient  la rade et nous attendions toujours en vain l'arrivée de l'aviation  réclamée depuis longtemps par le commandant. J'étais chargé de faire  quelques patrouilles à pied avec des camarades.Mercredi  25 août 1944.  Le 25 août à midi, nos chars partirent pour  Ollioules, afin de réduire les batteries de Maubousquet. Petit à petit,  la garnison allemande de Toulon se rendait. La victoire commençait à   nous griser. Un civil de La Farlède nous avertit qu'un Allemand voulait  se rendre mais n'osait pas sortir de sa cachette tant il avait peur. Le  capitaine Vincent, de nouveau présent, organisa donc une patrouille avec  le half-track pour aller à la recherche de cet Allemand, tandis que le  maréchal des logis réparait des postes en panne. Naturellement, Vincent  se gardait bien de venir avec nous craignant des aventures dangereuses.  Je devais donc mener l'affaire. Avec mon blindage, mes deux  mitrailleuses et six hommes armés jusqu'aux dents, je partis flanqué du  civil qui devait m'indiquer l'endroit où se cachait l'Allemand. C'était  une pauvre cabane de vigneron au beau milieu du vignoble.
  À deux cents mètres de distance, peu  rassurés, nous envoyons d'abord une bonne rafale avec la mitrailleuse  lourde pour voir la réaction. Elle ne fut pas longue. Des hurlements se  firent entendre des fenêtres vitrées que nous venions de casser. Nous  étions persuadés d'avoir atteint l'Allemand en question, nous lui avons  alors crié, en allemand, « Komm ! Komm ! » Mais il sortit de sa  cachette, au bout de cinq minutes seulement, en criant toujours comme un  fou. Nous lui avons fait signe de venir jusqu'à nous. Je ne peux pas  qualifier cette action de glorieuse, car nous étions en très nette  supériorité. C'était un pauvre vieux Boche qui, en signe de reddition,  non seulement avait déposé son fusil, levé les bras en l'air, mais  encore s'était déchaussé pour faire bien voir qu'il ne voulait plus se  battre. Nous l’avons alors fouillé et d’après ses papiers, c’était un  père de cinq enfants. Il n'avait rien mangé depuis six jours. Nous  l’avons ramené à La Farlède et lui avons donné un peu de nourriture  puis, jugeant que la place du village était sale, à la suite du  campement de nos hommes, nous la lui avons fait nettoyer sous la garde  d'un de nos hommes. Ce pauvre vieux tremblait de tous ses membres auprès  de la carabine de son gardien. On aurait demandé trente Français de  corvée pour faire ce travail, qu'une demi-journée n'aurait pas suffi,  mais cet Allemand l'exécuta à lui seul en dix minutes.   Un  important matériel ennemi gisait sur les routes. Le fameux 88 qui nous  avait fait tant de mal sur la voie ferrée fut placé sur la place du  village. C'était la première fois que je voyais un canon comme cela. Il  faisait plus de huit mètres de long. Ses obus pesaient trente kilos et  il avait une hauteur d’un mètre cinquante. Nous nous amusions comme des  fous avec les motos et les side-cars que nous récupérions sur l'armée  allemande. Jeudi 26 août 1944.  La journée du  lendemain fut consacrée aux enterrements. On ensevelit Gillot dans le  verger où il avait été tué. Le curé du village présida aux obsèques. Le  menuisier avait confectionné une petite caisse carrée de vingt-cinq  centimètres de côté... elle était encore trop grande pour ce qui restait  de notre ami. Chacun de nous y déposa ce qui nous semblait être de la  chair humaine et après les gestes rituels du curé, Jean-Claude Schreiber  prononça l'éloge funèbre. Si je n'aimais pas beaucoup l’officier,  j'aimais encore moins les éloges funèbres, mais la fatigue extrême de  ces derniers jours et les circonstances si tragiques que nous avions  traversées nous avaient rendus hypersensibles. Nous avons donc pleuré  comme des enfants. Notre Gillot, avait dit en substance le lieutenant,  avait de la classe... c'était certes un grand rouspéteur, mais son  sourire était rayonnant. Notre travail funèbre ne devait pas s'arrêter  là , hélas ! Berton fut enterré à Soliès-Pont : il n'avait que vingt ans.  Cambon, seul rescapé de l’équipage, assista, sain et sauf, à tous les  enterrements. Il fallut pénétrer dans la morgue du cimetière où gisaient  des dizaines de Sénégalais et de Français. J'avançais dans cette  puanteur au milieu de linceuls.   Après tout cela, l'escadron  se rassembla près de La Valette. C'est là que nous reçûmes l'ordre de  faire mouvement, à nouveau. Prévoyant que la guerre sur le half-track ne  serait pas intéressante pour moi, les véhicules de commandement étant  relativement peu exposés, je suppliai mes chefs de me laisser faire des  liaisons à moto. C'était beaucoup plus passionnant et mes vÅ“ux furent  comblés. Je dépendais désormais directement du capitaine. J'étais ravi.  Vers midi, débordant Toulon vers l'ouest, nous partîmes à la recherche  des armées en retraite. La rade de Toulon resplendissait de soleil. Les  chars protégeaient les petites unités non blindées. Tout notre  groupement rejoignit le reste de la division débarquée à Marseille. Il y  avait là tous les autres escadrons de mon régiment.   Tandis  que nous roulions vers Aix-en-Provence, les communiqués nous ont appris  que les Américains avaient déjà atteint la frontière suisse et que les  armées du nord étaient à Paris. Partout sur notre passage, on nous  acclamait d'une manière délirante. Notre joie était à son comble et  notre optimisme nous laissait entrevoir la cessation très prochaine des  hostilités, ce qui aurait pour conséquence notre retour au foyer. Hélas,  la suite dira combien nous nous trompions. Il fallut attendre neuf mois  pour connaître la fin de la guerre. Ce 26 août, la route parut longue.  De Toulon à Aix, il y a cent kilomètres environ. Ce n’aurait rien été,  s'il n’avait pas fallu faire avancer des convois formidables.
  On nous fit camper près d'Aix. Je  ne me doutais guère alors que je passais sous les fenêtres d'un hôpital  où se trouvait mon frère qui avait été blessé à la tête lors de son  parachutage dans le Vercors. Je l'appris beaucoup plus tard. À la halte  suivante, le reste de notre régiment, qui avait eu connaissance de nos  exploits de Toulon, nous fit un accueil triomphal. Notre escadron  traversa une haie d'honneur, le capitaine en tête, suivi du motocycliste  que j'étais. On s’arrêta ensuite dans une prairie pour faire le plein  d'essence. Là , le général du Vigier, en nous félicitant, nous parla  ainsi : « Voici mon problème ! J'ai deux boulets aux pieds pour  continuer les opérations militaires. Premièrement, il faut passer le  Rhône, or, tous les ponts sont coupés ; deuxième difficulté, deuxième  boulet, le manque de carburant. » À dix-huit heures, on nous annonça  l’arrivée du Général en Chef et du Ministre de la Guerre. C'est en tenue  de guerre qu'on se présenta devant les autorités. De Lattre de Tassigny  était accompagné du commandant. Me reconnaissant alors, le général me  fit avancer pour me serrer la main devant mes camarades. Je n'avais rien  à dire, puisque j'avais combattu, cependant j'avais terriblement envie  de lui rappeler ses promesses, des promesses qu'il n'avait pas tenues à   mon endroit.  Nous avons stationné deux jours à Graveson, pour  préparer le matériel en vue de franchir le Rhône. Nous fîmes aussi  quelques recrues. Notre adjudant-chef leur apprit à manier le revolver,  ce qui était assez nécessaire vu leur maladresse. Plusieurs se  blessèrent accidentellement.
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